Projet ANR AMAZ
Colloque
Jeudi 21 et vendredi 22 octobre 2021
Amérindiens en ville, villes amérindiennes
Reconfigurations spatiales et politiques en Amazonie
Manifestation shipibo à Pucallpa (Pérou)
Photo (recadrée) tirée de la page publique Facebook d’AIDESEP (mai 2018)
21 octobre 2021
Salle 50 Bâtiment EHESS – Campus Condorcet, 2 cours des Humanités, 93300 Aubervilliers
22 octobre 2021
Salles BS1_28 + BS1_05, EHESS, 54 bd Raspail, 75006, Paris
Présentation
Si les populations amérindiennes d’Amazonie sont réputées vivre dans des espaces forestiers reculés, elles entretiennent des rapports avec les villes de longue date. Qu’il s’agisse des sites précoloniaux densément peuplés que certaines d’entre elles avaient édifiés ou des agglomérations coloniales qu’elles ont souvent contribué à construire, elles ont été confrontées au monde urbain bien avant le XXIe siècle. Au cours des dernières décennies, ces rapports se sont néanmoins intensifiés. À l’instar de la population amazonienne dans son ensemble, la population amérindienne s’est fortement urbanisée. Ce processus ne peut cependant être envisagé comme un exode rural, au sens de déplacement massif et définitif de ces groupes vers la ville. Comme l’ont montré plusieurs chercheurs qui se sont intéressés à ce sujet, il peut prendre la forme d’une installation – souvent non exclusive – dans un centre urbain, mais aussi d’une urbanisation des villages ruraux ou encore d’une circulation entre plusieurs espaces incluant des séjours en ville – trois dynamiques elles-mêmes sujettes à de nombreuses variations.
Nous proposons d’explorer ces différents rapports au monde urbain en nous intéressant aussi bien aux manifestations concrètes de l’urbanisation (modes d’appropriation ou de construction de l’espace urbain, déplacements) qu’aux représentations qui les accompagnent (motif mythologique de la cité subaquatique, images de la ville comme lieu de confrontation avec l’altérité ou comme lieu d’origine des marchandises et des richesses). Dans le cadre de ce colloque du projet ANR AMAZ (« Configurations sociospatiales, enjeux politiques et débats ontologiques en Amazonie »), nous nous pencherons plus particulièrement sur les reconfigurations politiques provoquées par l’urbanisation.
Organisation : Élise Capredon (CRBC-Mondes Américains), Oscar Calavia Sáez (EPHE, GSRL) et Jean-Pierre Chaumeil (CNRS, EREA)
Programme
Jeudi 21 octobre
Campus Condorcet – bâtiment de l’EHESS – salle 50
9h30 Accueil des participant-es
9h45 Introduction
Oscar Calavia Sáez, Élise Capredon et Jean-Pierre Chaumeil
Panel 1 Construction de territoires indigènes urbains
10h Juan Álvaro Echeverri (Universidad Nacional de Colombia, sede Amazonia) « Leticia indígena: visibilidad política y construcción territorial de indígenas urbanos. »
10h30 Oscar Espinosa (Pontificia Universidad Católica del Perú) [visioconférence] « La lucha política y simbólica para vivir como indígenas en la ciudad: el caso de las comunidades urbanas shipibo-konibo en diferentes ciudades del Perú »
11h Pause
11h15 Élise Capredon (CRBC-Mondes Américains) « Des ‘communautés natives’ en ville ? Urbanisation et réorganisation politique chez les Shipibo de l’Amazonie péruvienne »
11h45 Discutant : Oscar Calavia Sáez (EPHE, GSRL)
12h15 Discussion et questions de la salle
12h30 Pause déjeuner
Panel 2 Expériences urbaines et politiques publiques
14h30 Pirjo Virtanen (Université d’Helsinki) « Maîtriser les bureaux urbains. Tentatives d’appropriation des politiques publiques et négociations des ressources dans la région du Purus »
15h Raphaël Colliaux (IFEA-Pontificia Universidad Católica del Perú) [visioconférence] « L’expérience citadine. Parcours d’étudiants matsigenka de l’Amazonie péruvienne »
15h30 Pause
15h45 David Jabin (EREA-LESC) « Traumatisme du contact, indigénéité et hyper-marginalité : quelques réflexions sur la vie urbaine d’ex-chasseurs cueilleurs nomades. »
16h15 Discutante : Élise Palomares (Université de Rouen, DySoLab, URMIS)
16h45 Discussion et questions de la salle
17h Clôture de la première journée
Vendredi 22 octobre
EHESS – 54 bd Raspail, 75006 Paris – Salles BS1_28 + BS1_05
Panel 3 Entre ville et forêt : circulations et recompositions politiques
10h Philippe Erikson (Université Paris Nanterre, EREA-LESC) « “À l’origine, Riberalta s’appelait Xëbiya et son chef, c’était Mawa Maxokiri…” Imaginaire de la ville et migration urbaine chez les Chacobo (Beni, Bolivia) »
10h30 Jean-Pierre Chaumeil (CNRS, EREA-LESC) « Une politique du Tube chez les Yagua : mobilité spatiale et variation politique sur l’Amazone »
11h Pause
11h15 Stéphanie Tselouiko (LAS) « Entre ville et forêt. Circulation et reconfiguration territoriale des Xikrin de la Terre Indigène Trincheira Bacajá (Pará, Brésil) »
11h45 Discutante : Anne Raulin (Université de Paris Nanterre, SophiaPol)
12h15 Discussion et questions de la salle
12h30 Pause déjeuner
Panel 3 (suite)
14h30 Erik Pozo Buleje (EHESS, LAS) [visioconférence] « La politique étrangère d’une société chicham awajún (jivaro aguaruna) »
15h Cyril Menta (EREA-LESC)
« Politiques culturelles à São Paulo : Le cas des Indiens pankararu de la communauté de Real Parque »
15h30 Pause
15h45 Oscar Calavia Sáez (EPHE, GSRL)
« Manaus, zone de synthèse »
16h15 Discutant : Alexandre Surrallès (EHESS/CNRS, LAS)
16h45 Discussion et questions de la salle
17h Discussion finale
17h30 Pot de clôture
Résumés des interventions
Manaus, zone de synthèse
Oscar CALAVIA SÁEZ
EPHE, GSRL
Du fait de sa situation géographique en plein cœur du bassin amazonien, de son statut de capitale d’un vaste État brésilien et de son poids économique et démographique, Manaus est devenu un point d’attrait pour des indigènes des plus diverses ethnies, non seulement en territoire brésilien, mais aussi dans des pays frontaliers. La ville s’est affirmée comme l’agglomération urbaine avec la plus grande population indigène du Brésil. Les modalités d’insertion en ville y sont multiples, depuis la fondation de petits villages pas si différents de ceux d’origine jusqu’à la migration individuelle, en passant par un vaste éventail de quartiers multiethniques, microdomaines indigènes établis ou reconnus par l’État, campements/bidonvilles informels, etc. Cette diversité permet placer à Manaus une réflexion générale sur l’ensemble de formes et des problématiques de l’urbanisation indigène en Amazonie.
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Des « communautés natives » en ville ? Urbanisation et réorganisation politique chez les Shipibo de l’Amazonie péruvienne
Élise CAPREDON
CRBC-Mondes Américains
Au Pérou, le gouvernement reconnaît aux populations autochtones d’Amazonie des droits spécifiques qui sont détaillés dans la « loi des Communautés Natives » de 1978. Ces droits ne concernent cependant que les habitants des « communautés » en question, des villages ruraux situés en « forêt et bordure de forêt ». Les familles amérindiennes qui s’installent en ville cessent d’en bénéficier et ne sont plus comptabilisées parmi les populations indigènes dans les statistiques nationales. Dans ce contexte, certaines de ces familles mettent en place des stratégies pour faire reconnaître leur appartenance ethnique en milieu urbain. J’explorerai ces initiatives de construction d’une « indianité citadine » à partir du cas des Shipibo, un groupe indigène de l’Amazonie péruvienne centrale. Peuple de langue pano d’environ 30 000 personnes, les Shipibo vivent pour la plupart dans des « communautés natives » situées le long du fleuve Ucayali et de ses affluents. Au cours des dernières décennies, plusieurs milliers d’entre eux se sont néanmoins établis en ville, en particulier à Pucallpa, la capitale régionale. En m’appuyant sur des données ethnographiques collectées dans un quartier périphérique de Pucallpa, Nuevo San Juan, j’analyserai les démarches que les Shipibo mettent en œuvre pour faire valoir leurs droits en ville et les transformations politiques auxquelles elles donnent lieu.
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Une politique du Tube chez les Yagua : mobilité spatiale et variation politique sur l’Amazone
Jean-Pierre CHAUMEIL
CNRS, EREA
La région dite du Trapèze amazonien (à la frontière entre le Pérou, la Colombie et le Brésil) est un carrefour où la mobilité transfrontalière et ses contours politiques s’expriment parfois singulièrement. On examinera cette situation à partir du cas des Yagua dont certaines familles sont installées dans les trois pays voisins. Plusieurs familles appartenant à ce groupe ont en effet amorcé depuis une vingtaine d’années des déplacements vers les principales villes de cette région. Loin de se cantonner à inscrire la ville dans un discours et un espace mythique préexistant (motif de la cité enchantée, par exemple, si répandu en Amazonie), les Yagua mobilisent ici une véritable cosmopolitique du territoire où l’entité ville se trouve en quelque sorte englobée (enchâssée) dans une « construction » plus large de l’espace (perception de la ville comme le maillon d’une chaîne plus ample de circulation à dimension cosmologique, comme « lieu » de passage et non de vie, etc.)
Cet exemple permettra de mettre en lumière des formes de territorialité (circulation, translocalisme) et d’expressions politiques singulières et d’une certaine manière indépendantes (ou plutôt distantes) – par leur caractère « informel » – de la rationalité des politiques étatiques. Représenteraient-elles au final une alternative au politique contemporain ou, si l’on préfère, une « porte de sortie » possible des politiques conventionnelles vers des formes plus proprement autochtones de gestion de l’espace, de la ville et du politique ?
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L’expérience citadine. Parcours d’étudiants matsigenka de l’Amazonie péruvienne
Raphaël COLLIAUX
IFEA/PUCP
Cette communication repose sur une enquête ethnographique menée auprès des Matsigenka, une population amérindienne du sud-est de l’Amazonie péruvienne. Je m’intéresserai à la question de la poursuite des études au niveau de l’enseignement supérieur, un projet qui implique généralement des déplacements vers les grandes villes du pays. L’enquête montre que l’intérêt pour la « professionnalisation » de la jeune génération laisse apparaître, en miroir, la crainte de voir le groupe se défaire sous l’effet des désertions de ces étudiants amérindiens, séduits par les sirènes de la vie urbaine. Un tel dilemme justifie alors une reprise en main de la poursuite des études par les collectifs amérindiens. Aussi, dès lors qu’ils sont mandatés – et parfois financés – par leur communauté d’origine, divers procédés visent à encadrer au plus près ces étudiants, de manière à garantir in fine leur retour dans la communauté et la redistribution des savoirs acquis. J’explorerai ainsi le quotidien des jeunes matsigenka établis en ville, les liens qu’ils créent avec les étudiants de même origine et ceux qu’ils entretiennent avec leurs proches restés en forêt. On verra que, loin de se réduire à un simple processus d’acculturation, ces séjours d’études reposent d’abord sur de fortes obligations et un devoir de reconnaissance envers le groupe d’appartenance.
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Territorio es conocimiento: Construcciones territoriales en la Leticia indígena
Juan Álvaro ECHEVERRI
Universidad Nacional de Colombia, sede Amazonia
En los últimos 10 años se ha dado un creciente proceso de asentamiento en Leticia (Colombia) de indígenas provenientes de los grandes resguardos indígenas ubicados al norte del departamento del Amazonas. Para el Estado, el reconocimiento indígena está atado al territorio, estereotípicamente representado por los resguardos indígenas legalmente titulados – y los mismos indígenas se refieren a “el territorio” como una referencia que parecería coincidir con la estatal. El desplazamiento a la ciudad podría fácilmente leerse como un proceso de desterritorializaión. No obstante, nuestra experiencia de convivir y trabajar con diferentes grupos y organizaciones en la ciudad y su alrededor nos plantea una pregunta en otros términos. Lo que atestiguamos es un poderoso proceso de construcción de territorio a partir de mambeos, alianzas, visitas, invitaciones, mingas – y sobre todo a partir del baile y las canciones. Lo que queremos explorar en esta ponencia es el significado de territorio urbano a partir del conocimiento, la palabra y de los intercambios rituales.
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“À l’origine, Riberalta s’appelait Xëbiya et son chef, c’était Mawa Maxokiri…” Imaginaire de la ville et migration urbaine chez les Chacobo (Beni, Bolivia)
Philippe ERIKSON
Université Paris Nanterre
Entre 1990 et nos jours, le rapport à la ville des Chacobo d’Amazonie bolivienne – et notamment ceux de leur principal village d’Alto Ivon – s’est radicalement transformé. Autrefois, personne ne s’y rendait pour ainsi dire jamais, tandis qu’aujourd’hui, un tiers des familles dispose d’un logement dans l’agglomération voisine de Riberalta. Cette communication se propose de retracer l’historique de cette évolution, et de discuter des effets de la migration urbaine – fut-elle saisonnière – sur la vie quotidienne et l’organisation collective des Chacobo. Nous nous intéresserons également aux discours visant à l’appropriation symbolique de l’espace urbain par l’évocation de son autochtonie originelle, même s’il s’avère qu’au bout du compte, l’action des leaders politiques chacobo vise moins à reconquérir « Xëbiya » qu’à urbaniser Alto Ivon.
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Traumatisme du contact, non-authenticité et hyper-marginalité : quelques réflexions sur la vie urbaine d’ex-chasseurs cueilleurs nomades.
David JABIN
EREA-LESC
Les Yuqui de l’Amazonie bolivienne vivent dans un va-et-vient permanent entre les espaces sauvages, missionnaires et urbains. Dans cette présentation, je m’interrogerai sur les raisons politiques qui poussent ces anciens chasseurs-cueilleurs à maintenir cette forme de nomadisme de l’asphalte et la vie urbaine marginale malgré les injonctions extérieures à se sédentariser et à se conformer au nouvel agenda indigéniste. Je tenterai de répondre à cette question en comparant la situation des Yuqui avec celle d’autres groupes récemment contactés qui, comme ces derniers, ont choisi de tirer un trait sur leur passé récent, celui des années de terreur et de violence des années pré-contact. Ces groupes occupent, chacun dans leur région, la position la plus basse de l’échelle socioéconomique régionale et se retrouvent dans une position d’hyper-marginalité qui est accrue en milieu urbain. Cette position semble résulter tout autant de volonté posttraumatique de transformation de ces groupes que de l’impossibilité systémique des politiques indigénistes des États latino-américains à les prendre en compte.
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Politiques culturelles à São Paulo. Le cas des Indiens pankararu de la communauté de Real Parque, São Paulo
Cyril MENTA
EREA-LESC
Les premières migrations d’Indiens pankararu du Brejo dos Padres dans l’Etat du Pernambouc vers la ville de São Paulo datent de la décennie de 1940. Sur les 2500 Pankararu vivant aujourd’hui dans la mégalopole, 1500 sont installés dans la communauté de Real Parque, dans le quartier du Morumbi.
En 1994, l’association SOS Comunidade Indígena Pankararu est créé : elle dénote une nouvelle organisation politique, indépendante de celle du village d’origine, ainsi qu’une nouvelle forme de conduite des politiques. L’une des expressions de ces politiques est l’exhibition de spectacles culturels, ou de « représentations », en divers lieux de la ville. Ces spectacles culturels sont à différencier des rituels collectifs pratiqués au village – l’efficacité recherchée diffère, contrairement à l’esthétique. En se fondant sur des recherches bibliographiques, ainsi que sur des données recueillies chez les Indiens pankararu du Brejo dos Padres, cette présentation sera l’occasion d’analyser l’élaboration de ces politiques par les Pankararu de São Paulo, et leurs conséquences sur le village d’origine, en termes d’organisation interne et de pratiques rituelles.
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La politique étrangère d’une société chicham awajún (jivaro aguaruna)
Erik POZO BULEJE
LAS
Dans cet exposé, j’examinerai l’action politique des Awajun à l’égard de la ville et des étrangers, c’est-à-dire des non-Awajun. En termes spatiaux, cette action politique peut prendre la forme, d’une part, de mécanismes visant à empêcher l’entrée des étrangers dans les territoires indigènes et, d’autre part, de démarches pour accéder aux espaces étrangers formels de représentation politique dans la ville. Il s’agira ainsi de démontrer l’existence explicite et implicite d’une politique étrangère autochtone dont la structure et le fonctionnement ont été construits à travers des interactions intenses avec le monde urbain et les étrangers.
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Entre ville et forêt. Circulation et reconfiguration territoriale des Xikrin de la Terre Indigène Trincheira Bacajá (Pará, Brésil).
Stéphanie TSELOUIKO
LAS
Depuis cinquante ans, l’Amazonie brésilienne orientale est marquée par des transformations sans précédent, liées, entre autres, à la construction des routes, l’avancée du front pionnier agricole et la mise en place de grands projets de développement. Dans ce contexte d’urbanisation et de globalisation croissante de l’Amazonie, les populations autochtones ont façonné leur territoire en même temps qu’elles ont participé d’un réseau socioculturel, économique et politique complexe qui s’est développé dans la région et qui a transcendé les simples frontières légales de leur terre. À tel point, que la dichotomie ville/forêt ne semble résolument plus pertinente pour rendre compte de la dynamique socio-spatiale et politique en Amazonie brésilienne orientale. Cette communication a pour objectif de prouver cette affirmation à travers le cas de Xikrin de la Terre Indigène Trincheira Bacajá (Pará, Brésil). En croisant étude ethnographique et travail d’archive, j’entends mettre en évidence la logique qui sous-tend l’évolution de la configuration territoriale et l’émergence de nouvelles figures de pouvoir xikrin, de la sédentarisation jusqu’à présent, en démontrant l’importance de la circulation et du rapport d’altérité avec le monde urbain, basé sur la prédation matérielle et symbolique.
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Maîtriser les bureaux urbains. Tentatives d’appropriation des politiques publiques et négociations des ressources dans la région du Purus
Pirjo Kristiina VIRTANEN
Université d’Helsinki, chercheuse associée à l’EREA
Les déplacements entre les villes et les territoires indigènes d’Amazonie sont en partie orientés par diverses pratiques bureaucratiques d’État et leurs répercussions socioéconomiques. L’étude de ces pratiques offre un éclairage sur les processus d’urbanisation des peuples amérindiens contemporains. Chez les Apurinã, un groupe de langue arawak, les autorités et les bureaux des centres urbains jouent un rôle crucial dans la production de la vie sociale des villages. Comme c’était le cas dans l’initiation chamanique, le fait d’exercer temporairement un emploi, d’étudier ou de travailler dans une organisation gouvernementale ou non-gouvernementale en ville permet de nouer des relations avec l’Autre et forge une expertise particulière. L’altérité de la ville, qui se manifeste par des aliments, des odeurs, des langues et des relations sociales différentes a déjà été apprivoisée par les Apurinã. Au sein de ce groupe, un domaine échappe cependant à ce processus de familiarisation : celui de la gouvernance de l’éducation et de la santé. Nous verrons que les efforts que déploient les Apurinã pour s’approprier ces politiques publiques d’éducation et de santé accentuent les déplacements vers les centres urbains.