Thème et orateur(s) :
C’est dans le Centre des colloques du CAMPUS CONDORCET à Aubervilliers que le GSRL (UMR 8582) a eu le plaisir de tenir son premier séminaire interne de l’année académique 2019-20, ouvrant un nouveau chapitre de son histoire. Après un mot d’accueil, le directeur présente brièvement les avancées et les défis post-déménagement, dans un contexte de pénurie de personnel ITA. Un temps d’échange permet ensuite de présenter la parution de trois ouvrages signés Jean Baubérot (avec la collaboration de Dorra Mameri Chaambi), Valérie Aubourg et Anne-Laure Zwilling (sous la dir.). Après avoir remercié Séverine Mathieu pour l’excellente programmation des séminaires pour l’année à venir, ainsi que Detelina Tocheva qui a accepté d’être discutante, la parole est donnée à notre intervenant du jour, Oscar Calavia, directeur d’études à la section des sciences religieuses, EPHE/PSL. Spécialiste de l’anthropologie religieuse de l’Amérique latine, il intervient sur le sujet suivant : “Sexe et parenté dans le champ religieux brésilien”.
Résumé :
Oscar Calavia annonce en préambule qu’il ne parlera pas de chamanisme amazonien, mais qu’il se focalisera, sous l’angle de l’anthropologie religieuse de la famille, sur les recompositions qui marquent le christianisme brésilien. Avec l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro, les évangéliques sont sous les projecteurs. L’Amérique latine a cependant déjà été marquée à plusieurs reprises par l’irruption évangélique au sommet du pouvoir, un des cas les plus anciens étant le Guatemala (1991). Oscar Calavia souligne qu’à l’inverse du cas guatemaltèque, il n’y a pas de clivage évangélique-catholique au Brésil. Le président Bolsonaro est d’ailleurs “un peu catholique, un peu évangélique”. L’aliment de la mobilisation évangélique électorale, qui a pesé dans l’élection, est la morale sexuelle, la critique de l’homosexualité et de “l’idéologie du genre” (sic). Est-ce dire que le Brésil aurait basculé dans une vague d’homophobie ? Oscar Calavia nuance, en rappelant que 30% des homosexuels brésiliens auraient voté Bolsonaro. Par ailleurs, il souligne aussi que les enquêtes auprès des fidèles des différentes religions montrent “peu de différences” dans le rapport aux questions de sexualité, alors qu’on aurait tendance à se représenter des positions très diverses et tranchées. Il fait par ailleurs observer que les évangéliques sont “beaucoup plus ouverts” que l’Eglise catholique sur la contraception et le rôle de la femme dans l’Eglise. Il évoque le fait qu’il existe quelques églises pentecôtistes inclusives, qui acceptent ouvertement les homosexuels. Alors pourquoi cette homophobie publiquement exprimée dans le contexte électoral ? Pourquoi cette mise en avant par les Eglises évangéliques ? Oscar Calavia répond : “c’est de la politique”. Les évangéliques insistent sur les thèmes de la morale sexuelle, parce que ce choix offre médiatisation et visibilité. Un autre facteur d’explication tient au fait que les évangéliques sont un vecteur de promotion de la famille nucléaire moderne, par opposition au modèle mythifié, mais peu fréquent, de la famille patriarcale brésilienne traditionnelle. Dans le marché religieux brésilien, les évangéliques sont les seuls à investir massivement le créneau de la famille nucléaire moderne, conjugale, avec, dans les communautés, une valorisation du couple pastoral, un jour de bénédiction des couples… Le modèle masculin que les évangéliques mettent en avant au Brésil est un homme casanier, qui cesse de boire, qui travaille, prend soin de son épouse. Detelina Tocheva s’interroge ensuite, dans une stimulante reprise critique, sur la mise en cause de la redistribution étatique induite par ces recompositions évangéliques, ouvrant sur un riche temps de débat où sont notamment mobilisées les catégories du populisme et de la standardisation de la militance.
Mots clefs :
#AMERIQUELATINE #ANTHROPOLOGIE #BRESIL #CATHOLICISME #CHRISTIANISME #EVANGELIQUES #FAMILLE #HOMOSEXUALITE #HOMOPHOBIE #PARENTE