Responsables : Detelina Tocheva et Virginie Vaté
Les dynamiques d’interactions et de créativités religieuses que nous observons sur nos terrains nous incitent à effectuer une analyse de ces phénomènes au plus près des acteurs et de leurs pratiques. Pour les aborder, la dimension comparative, si importante pour la démarche anthropologique, nous invite à ne pas limiter nos échanges à une seule aire culturelle ou à une seule confession mais bien à tenter d’explorer les différentes formes d’expression et de créativité religieuses en les mettant en perspective les unes par rapport aux autres. En effet, c’est par le croisement et la comparaison des différents terrains des chercheurs du GSRL (et d’ailleurs) que peut s’élaborer une réflexion collective sur ces thématiques. Nous entendons ainsi contribuer aux divers débats théoriques sur les transformations du religieux et ses implications formelles, économiques et politiques.
Forts du résultat de deux ans de fonctionnement sous l’exercice quinquennal précédent, nous poursuivons les activités de l’axe lors de ce quinquennal 2019-2023 sous une forme d’organisation similaire. Au travers de matériaux empiriques et d’analyses comparées, nous développons nos réflexions sur les christianismes (protestantisme, catholicisme, orthodoxie) en tant que tels et sur les situations de tension et de dialogue entre plusieurs formes religieuses (christianisme, chamanisme, islam, bouddhisme, nouvelles spiritualités…) auxquelles sont confrontés les acteurs et les pratiques. Nous accordons une attention particulière aux contenus de ces pratiques, ainsi qu’à la créativité et à la multiplicité des interprétations accordées à ces pratiques. Nous ne négligeons pas pour autant d’aborder les enjeux politiques, économiques et sociaux sous-jacents à ces interactions du religieux.
En 2019, nous avons lancé le projet de recherche « Marquer l’espace par le religieux : une étude comparée de la présence de l’Eglise orthodoxe russe en Russie et en France » en collaboration avec une équipe russe coordonnée par Jeanna Kormina, professeure au Haut Collège d’Economie, Université d’Etat de St Pétersbourg. Le projet vise à analyser différentes dimensions du marquage religieux (églises, chapelles, autres édifices, croix monumentales, statues, pèlerinages…), impulsé par une politique délibérée du Patriarcat de Moscou, mais ayant des implications complexes sur des espaces urbains en Russie et en France (par ex. Paris, Nice), tout comme dans des lieux quasi-désertiques, comme la région arctique en Russie (http://www.sciencespo.fr/ceri/fr/oir/l-orthodoxie-aux-confins-de-la-russie-arctique-le-marquage-religieux-d-un-territoire-strategique). Le projet se déroule sur trois ans (2019-2021), avec des missions de terrain en France et en Russie. Il est financé par la Fondation Maison des Sciences de l’Homme et la Fondation Russe pour la Recherche Fondamentale (RFBR). L’équipe française est dirigée par Detelina Tocheva et se compose de Yann Borjon-Privé, Kristina Kovalskaya, Kathy Rousselet, et Virginie Vaté.
Mode de fonctionnement
Nous organisons des séminaires et des journées d’études devant déboucher sur des publications.
Dernier séminaire
Le 10 mars 2020 nous avons eu la joie d’accueillir Dr. Valeriya Gazizova (MIASU, Université de Cambridge) pour une séance intitulée ‘Secret Buddhism’ of the Soviet era and its representations in Kalmyk popular hagiography and visual art.
Anthropologue, spécialiste du bouddhisme kalmouk, Valeriya Gazizova développe des recherches sur les évolutions contemporaines du bouddhisme en Kalmoukie (sud de la partie européenne de la Russie). Elle propose une anthropologie de l’art et du religieux, au croisement des thèmes de la mémoire, de l’histoire et de l’identité. Les productions de l’art visuel, telles que les peintures, ont commencé à représenter des figures et des objets abordant la question du bouddhisme local sous la domination soviétique. Durant cette période, le bouddhisme était fortement réprimé, conformément à l’idéologie athéiste du régime qui imposait, par la répression et l’éducation, une sécularisation forcée. C’est ainsi qu’a émergé un « bouddhisme secret », selon le nom qui lui est donné par la population locale. Des lamas respectés, détenteurs de savoirs spécifiques et secrets, ont été envoyés dans les camps du GOULAG, tandis que d’autres ne pouvaient exercer que de façon extrêmement discrète. Des objets sacrés ont été enterrés près des lieux saints. Cette période, avec ses personnages et ses objets, se trouve désormais représentée par des peintres, certains professionnels et installés à Moscou, d’autres autodidactes et moins connus. L’une des peintures que Valeriya Gazizova a montrées représente Staline en divinité protectrice courroucée, dansant sur le corps de Trotski, sous les regards de Lénine, Marx et Engels – le tout intégrant de nombreux référents bouddhiques. D’autres peintures représentent des lamas respectés, victimes des répressions, avec des attributs qui les inscrivent à la fois dans la construction d’une mémoire des répressions antireligieuses, mais aussi suggèrent leurs liens, avérés ou non, avec le bouddhisme tibétain. La discussion a permis de souligner la richesse de l’exposé, car une multitude de pistes s’ouvrent, tant pour explorer la production et la diffusion de cet art original que pour interroger les transformations du bouddhisme comme courant religieux. Nous remercions chaleureusement Valeriya Gazizova pour son passionnant exposé !
Liste des Membres
Chercheurs CNRS : Detelina Tocheva, Virginie Vaté, Isabelle Charleux
Enseignants-chercheurs : Valérie Aubourg, Alfonsina Bellio, Oscar Calavia Saez, Roberte Hamayon, Jean-Luc Lambert, Sylvie Peperstraete
Doctorants : Juan Carlos Alvarez, Franconi Antoine, Marie-Véronique Amella, Yann Borjon-Privé, Petru-Lucian Cirlan, Gabriel Gonzalez, Denise Goulart, Sandra Herran, Cantaura La Cruz Perez, Nicolas Latsanopulos, Bertrand Lobjois, Maria del Rocio Maza Garcia de Alba, Flore Muguet, Marie-Christine Pedariosse, Jean-Baptiste Pesquet, Loïc Vauzelle, Rosa Nallely Moreno Moncoya
Docteurs associés : Stéphanie Boutevin, Anne Dalles Maréchal, Claude Grin, Andrea Leiva Espitia, Gwendoline Malogne-Fer, Clément Jacquemoud, Kristina Kovalskaya, Denise Lombardi, Aurélien Mokoko-Gampiot, Ksenia Pimenova, Julie Remoiville, Laura Steil, Viola Teisenhoffer